> Lettre au Ministre de l'Education

01-06-2022

Lettre ouverte du SNUipp-FSU
à monsieur Pap NDIAYE Ministre de l’Education nationale
Guislaine DAVID
Arnaud MALAISÉ
Nicolas WALLET Co-Secrétaires généraux
Monsieur le Ministre,
Vous venez d’être nommé à la tête du ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse. Durant cinq années, désastreuses pour le service public d’éducation, ce ministère a subi de profonds bouleversements, les réformes se sont succédé épuisant progressivement la profession. Votre prédécesseur a déployé un projet éducatif qui a renforcé les inégalités au sein du service public d’éducation. Le resserrement sur ses « fondamentaux », l’individualisation des apprentissages, la réforme de l’éducation prioritaire réduisent l’ambition scolaire et laissent de côté une partie des élèves. La multiplication des prescriptions, les évaluations nationales érigées en outil de pilotage ont exacerbé la mise sous tutelle des pratiques enseignantes. La liberté pédagogique, pourtant inscrite dans la loi, est de plus en plus remise en cause.
Les quelques mots que vous avez prononcés lors de la passation de pouvoir citant comme défis immenses “la consolidation des savoirs fondamentaux", “l’égalité des chances” laissent augurer une poursuite de la politique éducative inégalitaire conduite par votre prédécesseur. Une rupture nette avec les politiques éducatives menées est pourtant non seulement nécessaire, mais aussi urgente.
Monsieur le ministre, au SNUipp-FSU, nous avons la volonté de mettre fin au poids des déterminismes sociaux dans le parcours scolaire. Cela ne peut se faire en généralisant “l’expérimentation marseillaise” ce qui créerait ainsi des inégalités territoriales pour les écoles mais bien en renforçant l’unité du système scolaire et en plaçant la réussite des élèves des classes populaires au centre du système éducatif. La dernière enquête de la DEPP, portant sur les performances à l’école élémentaire selon le niveau scolaire initial et l’origine sociale des élèves, montre que le capital culturel joue un rôle important. L’école doit donc pouvoir apporter à tous les élèves une culture commune pour leur permettre d’exercer leur esprit critique afin de former des citoyennes et citoyens libres et éclairés capables de penser le monde et d’agir sur lui. L’école doit aussi être porteuse des valeurs de justice, de partage, de solidarité et d’égalité pour lutter contre toutes les discriminations. Réduire les apprentissages scolaires aux seules performances rapides en français et en mathématiques, comme le montrent les évaluations nationales en CP et en CE1, ne permettra pas aux élèves issus des milieux populaires de progresser, au contraire cela continuera de creuser les écarts.
Durant ces cinq années, les personnels n’ont pas été reconnus dans leur professionnalité, pire ils se sont sentis méprisés par un ministre qui ne les a pas écoutés. Le SNUipp-FSU a enquêté en mars 2022 auprès de 25 000 enseignantes et enseignants, le constat est sans appel : 95% se disent insatisfaits de leur relation avec le ministère. Le 13 janvier 2022, 75% des personnels du premier degré étaient en grève, cette mobilisation inédite a montré une réelle colère de la profession. Cette colère n’est pas retombée, il faut maintenant y répondre de façon urgente, l’école doit retrouver de la sérénité. Depuis deux ans, nous constatons une hausse des démissions, cette année les résultats aux écrits du CRPE ont montré une baisse des candidats présents. Certaines académies n’auront pas assez de lauréats, d’autres ne pourront pas avoir de liste complémentaire. Cette situation est inédite et la rentrée 2022 devra se faire sans enseignants suffisants dans les classes, les recrutements de contractuels vont se multiplier partout. L’école vit une crise d’attractivité sans précédent et la réforme de la formation initiale va la renforcer.
Cette crise est bien évidemment liée aux conditions salariales ainsi qu’aux conditions de travail et d’exercice du métier des professeurs des écoles. Alors que le précédent gouvernement s’était engagé à revalorisation historique des enseignants, à peine la moitié d’entre eux ont été revalorisés et pour certains ce n’est qu'une trentaine d’euros en plus par mois. Ainsi il faut attendre 15 ans d’ancienneté pour atteindre 2000 € nets par mois. Il est plus qu’urgent de régler le déclassement salarial de tous les enseignants sans conditions et donc sans instaurer un salaire prétendument au “mérite” ni mettre en concurrence les personnels comme les écoles…. En cinq ans, ce sont aussi les conditions de travail des personnels qui se sont dégradées : la gestion des situations difficiles se multiplie dans les classes, l’inclusion sans moyen provoque des situations douloureuses. L’allègement des effectifs dans les classes comme le recrutement d’enseignants surnuméraires, de remplaçants, d’enseignants spécialisés sont autant de mesures nécessaires à l’amélioration des conditions de travail des personnels et des conditions d’apprentissage des élèves. Pour cela, il faudra ajouter des moyens budgétaires conséquents, moyens d’autant plus nécessaires que l’école a traversé pendant deux ans une crise sans précédent et a fonctionné en mode dégradé ce qui a encore aggravé les inégalités.
Les personnels AESH n’ont pas été mieux traités pendant le quinquennat, leur situation n’a que très peu évoluée et reste très précaire alors que le métier qu’ils et elles exercent est indispensable à l’école. C’est d’un véritable statut de la fonction publique avec un vrai salaire dont ils et elles ont besoin.
Concernant la direction d’école, les discussions entamées avec le ministère après le suicide de notre collègue Christine Renon n’ont pas débouché sur un allégement des tâches de la direction d’école ni sur une augmentation conséquente des décharges pour l’ensemble des écoles. La mise en place de la loi Rilhac n’a rien apporté en matière d’aide administrative, les directeurs et directrices sont toujours submergé·es par des tâches chronophages et ne peuvent se consacrer pleinement à l’animation de l’équipe pédagogique. Là aussi il est urgent d’agir et la vision hiérarchique de la direction de l’école instillée au fil du quinquennat précédent ne répond en rien à la demande des équipes ni aux besoins de l’école.r
Enfin, nous assistons depuis plusieurs mois à une amplification de la mise au pas des enseignant·es par une gestion des personnels de plus en plus arbitraire : convocations, intimidations, pressions qui peuvent donner lieu à des sanctions iniques portant atteinte aux personnes. Les enseignantes et enseignants de l’école Pasteur de Seine-Saint-Denis, sanctionné·es d’un déplacement d’office par le DASEN du 93, en sont le symbole. Nous vous demandons, Monsieur le Ministre, de revenir sur cette sanction et de rétablir ces personnels dans leur école.Au vu de l’ampleur de ces dossiers, il est urgent de discuter rapidement de tous ces sujets avec vous.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de nos respectueuses salutations.
Guislaine David
Pour le Co-secrétariat général

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